Code d'accès, 2011
Collaboration, texte et gelées Marie Chemorin, Photos Thomas Dhellemmes
<< Essaie, c'est magique, du tout naturel qui n'a rien à envier aux pilules chimiques. >>
On est dimanche, 9 h 07, affirme mon iPhone. Devant moi, sur la table, quatre petites feuilles vertes au look de verveine atrophiée vendue comme << du lourd, bonne pour l'envolée, surnommée la paix de l'âme chez les Incas ». J'ai jeté les feuilles dans la théière. 9 h 17. J'ai versé ce qui semblait être du thé vert émeraude dans la tasse. J'ai bu lentement. 9 h 27. Rien. Calme plat. 9 h 33. Le doute. Les dealers ne sont pas des gens respectables, alors. Et si ce n'était de la verveine? J'ai bu une deuxième que tasse, puis une troisième.
La fenêtre devient blanche et la porte disparaît. Les murs se rapprochent, j'agrippe la table. Dans un océan blanc, à travers les nuages qui me frôlent, mon petit déj n'a pas bougé. Je m'approche. Ma théière, ma tasse sont habitées. La mer s'y est engouffrée. Des algues vertes, roses, d'un blanc laiteux, s'entrelacent avec souplesse. On devine à travers ces lianes un monde de crevettes, de coquillages, de minuscules poissons. Et dans la pièce qui rétrécit toujours, flotte un parfum d'iode.
Je veux attraper ma tartine, elle se couvre de fleurs blanches. Je ris.
Je les vois parler mais je ne les entends pas. Toujours ces nuages, cette blancheur ouatée. J'essaie de les imiter. Je prends mon couteau, mais, il s'envole et plonge direct dans le vase au milieu de la table. Ma fourchette s'enfuit à son tour. Le silence est total. Pourtant, autour de moi, ils parlent, ils rient même. J'essaie de retenir mon assiette. Mais la pièce se met à trembler, brusquement le vase tangue, et s'enfonce dans la table. Mon assiettem'échappe, happée par l'immense trou qui se forme. J'empoigne mon verre à vin comme une bouée de sauvetage. Un cygne blanc y nage. C'est à mon tour d'être happée par le vide. J'ai peur.
Trifle et petits gâteaux. Je reprends pied, on dirait. Les murs n'ondulent plus... « Tu es bien pâle, ça... » Le reste se fait silence à nouveau. La blancheur lumineuse revient. J'attrape un gâteau, boule rose flashy, mais ce truc me regarde. Je n'ose mordre dedans. Je le repose. Alors, toutes ces petites choses roses se mettent à rouler, elles s'ébrouent sur la nappe, et, une à une, en file indienne, dansent sur la table et tentent l'ascension de la cloche de verre où m'attend ce fameux trifle que j'adore tant. J'entends un cri. Comme un appel. J'aperçois un visage de femme à travers la gelée. Entre crème anglaise et framboises, elle crie: «Aidez-moi, je veux sortir.» Son hurlement me brûle les tympans. FAITES-LA TAIRE!
Menthe, rhum et citron vert. Je maîtrise. Si, si, je maîtrise. C'est fini. L'alcool m'apaise doucement. Je somnole. La journée a été longue. Ma main s'alourdit, mon verre m'échappe. NON! À la place des feuilles de menthe, des cactus poussent dans mon verre et un énorme cafard mordoré s'ébroue en s'extirpant du liquide vert. Il se tourne vers moi en s'égouttant et me balance :
<< La paix de l'âme se mérite, tu n'es pas encore apte. »> Plus jamais, plus jamais, je ne boirai de la verveine divine le dimanche!
Code d'accès, 2011
Collaboration, texte et gelées Marie Chemorin, Photos Thomas Dhellemmes
<< Essaie, c'est magique, du tout naturel qui n'a rien à envier aux pilules chimiques. >>
On est dimanche, 9 h 07, affirme mon iPhone. Devant moi, sur la table, quatre petites feuilles vertes au look de verveine atrophiée vendue comme << du lourd, bonne pour l'envolée, surnommée la paix de l'âme chez les Incas ». J'ai jeté les feuilles dans la théière. 9 h 17. J'ai versé ce qui semblait être du thé vert émeraude dans la tasse. J'ai bu lentement. 9 h 27. Rien. Calme plat. 9 h 33. Le doute. Les dealers ne sont pas des gens respectables, alors. Et si ce n'était de la verveine? J'ai bu une deuxième que tasse, puis une troisième.
La fenêtre devient blanche et la porte disparaît. Les murs se rapprochent, j'agrippe la table. Dans un océan blanc, à travers les nuages qui me frôlent, mon petit déj n'a pas bougé. Je m'approche. Ma théière, ma tasse sont habitées. La mer s'y est engouffrée. Des algues vertes, roses, d'un blanc laiteux, s'entrelacent avec souplesse. On devine à travers ces lianes un monde de crevettes, de coquillages, de minuscules poissons. Et dans la pièce qui rétrécit toujours, flotte un parfum d'iode.
Je veux attraper ma tartine, elle se couvre de fleurs blanches. Je ris.
Je les vois parler mais je ne les entends pas. Toujours ces nuages, cette blancheur ouatée. J'essaie de les imiter. Je prends mon couteau, mais, il s'envole et plonge direct dans le vase au milieu de la table. Ma fourchette s'enfuit à son tour. Le silence est total. Pourtant, autour de moi, ils parlent, ils rient même. J'essaie de retenir mon assiette. Mais la pièce se met à trembler, brusquement le vase tangue, et s'enfonce dans la table. Mon assiettem'échappe, happée par l'immense trou qui se forme. J'empoigne mon verre à vin comme une bouée de sauvetage. Un cygne blanc y nage. C'est à mon tour d'être happée par le vide. J'ai peur.
Trifle et petits gâteaux. Je reprends pied, on dirait. Les murs n'ondulent plus... « Tu es bien pâle, ça... » Le reste se fait silence à nouveau. La blancheur lumineuse revient. J'attrape un gâteau, boule rose flashy, mais ce truc me regarde. Je n'ose mordre dedans. Je le repose. Alors, toutes ces petites choses roses se mettent à rouler, elles s'ébrouent sur la nappe, et, une à une, en file indienne, dansent sur la table et tentent l'ascension de la cloche de verre où m'attend ce fameux trifle que j'adore tant. J'entends un cri. Comme un appel. J'aperçois un visage de femme à travers la gelée. Entre crème anglaise et framboises, elle crie: «Aidez-moi, je veux sortir.» Son hurlement me brûle les tympans. FAITES-LA TAIRE!
Menthe, rhum et citron vert. Je maîtrise. Si, si, je maîtrise. C'est fini. L'alcool m'apaise doucement. Je somnole. La journée a été longue. Ma main s'alourdit, mon verre m'échappe. NON! À la place des feuilles de menthe, des cactus poussent dans mon verre et un énorme cafard mordoré s'ébroue en s'extirpant du liquide vert. Il se tourne vers moi en s'égouttant et me balance :
<< La paix de l'âme se mérite, tu n'es pas encore apte. »> Plus jamais, plus jamais, je ne boirai de la verveine divine le dimanche!